Une Réaction Indignée

Il n’est plus nécessaire de vanter les mérites du Head-Up Display, ou collimateur de pilotage. Ce site détaille néanmoins, si besoin était, les innombrables arguments en faveur de l’installation d’un tel appareil dans les aéronefs civils de transport public.

Air France est actuellement la seule compagnie en France à exploiter des avions de plus de 100 places équipés de collimateurs de pilotage. Ces appareils sont regroupés dans une seule division de vol : l’A320. Ils sont tous hérités d’Air Inter, où leur installation dans les cockpits avait été obtenue de haute lutte avec Airbus. Les pilotes d’Air France avaient eux aussi, il y a quelques années, exigé des HUD, sans succès hélas.

La grande différence entre ces deux compagnies, c’est que l’encadrement PNT d’Air Inter y était favorable dès le début…

Plusieurs années après, fusion faite, la division A320 est devenue une énorme division, plus importante à elle seule que bien des compagnies aériennes dans le monde. Pour qualifier et maintenir ses équipages, elle disposait de 4 simulateurs, auxquels est venu s’ajouter une cinquième machine il y a quelques mois.

Ces 5 appareils sont tous équipés à l’identique, HUD compris. Ils devraient donc permettre de délivrer des qualification ou des entraînement identiques.

Pourtant, un Briefing Flash du 28 octobre 2003 nous apprend que, faute d’homologation pour le simu n°5, aucune qualification HUD ne sera plus possible sur A320, dans un souci fort légitime d’homogénéité.

Le texte, assez bref, défausse son auteur dès la première ligne en rejetant la responsabilité sur la DGAC. On ne comprend pas très bien toutefois pourquoi celle-ci a jusqu’à présent, et pour 4 simulateurs, renouvelé chaque année l’homologation des HUD, même si celle-ci coûte un peu d’argent.

On ne peut concevoir qu’Air France n’ait pas su se donner les moyens de permettre à la DGAC de certifier cette cinquième machine. Ainsi, pour quelques piécettes, la qualification HUD de plus de 600 Commandants de Bord vient d’être rayée d’un simple trait de plume. Cette décision n’est bien entendu pas celle d’un individu, et a certainement été prise après délibération, ce qui me paraît pire encore.

En premier lieu, on peut collectivement regretter une déqualification des équipages. On peut d’autant plus le déplorer que le motif invoqué est stupide, et résulte d’une résignation et d’un laisser-faire de la division A320. Ce n’est même pas nos prérogatives qui sont mal défendues en ces circonstances, mais nos compétences, notre savoir faire et notre sécurité, et au passage celles de notre encadrement également.

En second lieu, je suis prêt à faire le pari que cet hiver, beaucoup regretteront individuellement de ne pas pouvoir utiliser le merveilleux instrument qu’ils ont devant les yeux, lorsqu’un décollage CAT III sera nécessaire. Nul doute que l’annulation d’un ou plusieurs décollages cause météo soulignerait assez le grotesque de la situation.

J’ai volontairement fait passer l’aspect opérationnel avant mon dernier point, pour pouvoir conclure sur la sécurité des vols. Alors qu’un groupe de travail intersyndical a officiellement préconisé l’installation d’un HUD dans le cockpit de l’A380, en place gauche et droite, cette décision, prise à un niveau assez subalterne, apparaît comme un grave retour en arrière en matière de sécurité des vols.

Il est en soi assez surprenant qu’aucune enquête judiciaire n’ait jamais reproché à une compagnie l’absence d’un tel équipement au coût, rappelons-le, modique, lorsque sa présence aurait permis d’éviter la destruction complète d’un avion et de ses occupants.

Mais prenons le problème avec humour, c’est à dire à l’envers. Il sera désormais possible à la justice de reprocher à un pilote l’utilisation d’un HUD pour laquelle il n’est plus administrativement qualifié, en cas d’accident pour lequel l’instrument n’est en rien impliqué…

Cette aventure du HUD a toujours été menée par ses promoteurs sur le fil du rasoir.

Les arguments développés par ses opposants ont toujours été d’une telle mauvaise foi, d’une telle ignorance, d’une telle médiocrité, qu’ils ont toujours trahi un grave défaut dans la démarche intellectuelle de ceux qui les avançaient. Ne rien changer, ne rien bousculer, ne pas se faire mal voir, ne pas lutter, ne pas être curieux. Finalement, ne jamais se donner la peine d’étudier sérieusement le système lui-même, ce qui pourrait remettre en question quelques certitudes.

Espérons que cet esprit recroquevillé n’aura pas finalement eu la peau du HUD à Air France. La compagnie aurait mérité d’être un exemple mondial en la matière.